Vous vous trouvez sur le blog tenu par la Compagnie Sîn lors de son séjour en Palestine au mois d'avril 2011. Depuis près de dix ans les artistes de Sîn sillonnent ce territoire pour façonner des échanges culturels et de nouvelles propositions artistiques.
L'an dernier vous avez pu les suivre sur le blog "outwallin".
Le projet a avancé et un spectacle dédié à l'espace public est en cours d'écriture.
Huit personnes participent à ce nouveau séjour.
Leurs objectifs : Regarder, Ecouter, Enregistrer, Collecter, Ecrire et proposer des ateliers de pratiques artistiques au Centre culturel Al Rowwad, dans le camp de réfugiés d'Aïda.
Ce blog est là pour vous permettre de suivre la Compagnie Sîn, jour après jour, pendant cette nouvelle pérégrination palestinienne.

BIL'IN et VITTORIO

BIL'IN (région de Ramallah)

Vendredi Lisie, Olivier, Émilien et moi décidons de nous rendre à Bil'in où a lieu tous les vendredis une manifestation contre la construction du mur du près du village. Mes 3 compagnons et Émilie P. s'y sont déjà rendus en juillet dernier.
Nous arrivons au village, écrasés par la chaleur. J'ai l'impression que mes semelles fondent sur le bitume mais c'est un chewing-gum qui s'est collé sous mes deux semelles. Des activistes Israéliens pro-Palestiniens sont présents et nous accueillent nous Européens ............... il faut s'imaginer un rassemblement d'Européens (Français, Anglais, Danois(?)), d'activistes Israéliens et bien sûr des Palestiniens (du village ou pas).
Un Israélien roux d'une cinquantaine d'années à l'aspect poético-militant nous interpelle et nous parlons vaguement de ses goûts littéraires Français ( Debray, plus Beauvoir que Sartre, Aragon, Guillevic et Genet dont il précise avoir connu son boy friend  Palestinien dans les années 70). Les gosses essaient de nous vendre des "souvenirs pro-palestiniens" ils sont insistants mais drôles, malicieux et très vivants .............. J'essaie désespérément de me réveiller, de m'éveiller en me répétant que c'est indispensable à ma présence à la manifestation (tu m'étonnes). Nous sommes devant un petit immeuble où se rassemblent tous les arrivants. A l'intérieur, nous pouvons poser nos affaires, chez les habitants. Au rez de chaussée, nous nous retrouvons, les nouveaux, pour un briefing sur les précautions et réactions à avoir pendant la manifestation. Lisie m'accompagne et me traduit les recommandations.
Ne pas paniquer, suivre du regard les trajectoires des gaz lacrymogènes, se munir d'un foulard, ne pas se séparer de son groupe, ne pas tourner le dos aux soldats ............
Je suis un peu imaginatif à ce moment-là donc j'imagine perdre mes amis dans la fumée extrêmement opaque des gaz, hurler, être aveuglé, me casser la gueule sur un tas de pierre bref faire tout ce qu'il ne faut pas faire et évidemment je suis le seul à ne rien comprendre à l'anglais ................ en plus de m'aider à comprendre Lisie me rassure par sa présence.
Une fois la chose terminée, nous sortons où sont réunis des palestiniens qui distribuent des drapeaux (je n'en prend pas, je suis viscéralement et définitivement réfractaire aux drapeaux, symboles ........... ), des hommes aux micros font des discours, s'échauffent, les gaz d'échappement nous étouffent, la chaleur m'écrase encore ....... je m'isole à l'ombre, non loin d'un trio sympathique et détendu. La fille me propose une barre de chocolat aux pubs reconnus pour leur mièvrerie, j'adore ça mais refuse par un accès de timidité. Je me sens de plus en plus serein et rassuré, ce mélange de personnes me rassure, je pressens que la peur du danger ne m'envahira pas, je suis frustré de ne pas comprendre l'Anglais, l'Arabe, cela m'isole des discours, de la parole et je me plonge dans l'observation des gens qui m'entourent. Que je sois en France ou ici c'est un de mes plus grand plaisirs et je ne m'en prive pas, il se trouve qu'à ce moment là, il m'ancre dans le présent.
Nous partons enfin vers le grillage-futur mur. Nous approchons, je ne me fixe aucune obligation : vais-je rester loin ? Aller en première ligne ? Mais je n'ai pas peur (comme dirait Olivier" même pas peur" ) alors je continue à marcher avec la majorité du groupe. Les jeunes Palestiniens lancent des pierres contre les soldats, on ressent les premiers effets des gaz, nous pleurons, sommes aveuglés mais le vent est en notre faveur et les effets se dissipent rapidement, les plus vieux crient international international je ne vois aucune peur de leur part. Je remarque une femme assise sous un olivier (la mère de l'ado à la fronde ? ), un homme crie et agite son drapeau, international, international, personne ne se démonte, il n'y a pas de tension mélodramatique, international international, les soldats relancent des gaz on recule on avance les ados attaquent de tous les côtés du grillage les soldats lancent un produit répulsif : une odeur de mort (des français Erasmus à Ramallah commentent ce produit : cette odeur reste des semaines sur toi tes vêtements l'odeur est insupportable mais le vent est en notre faveur). Je remarque Émilien avec sa caméra, j'avais perdu sa trace et m'étais reconstitué un mini groupe : les Erasmus de Sciences-Po. Deux jeunes hommes sont blessés, l'ambulance prévue arrive, des gaz tombent dessus, les reporters sont en première ligne, nous avançons, reculons, des leaders de la manif "discutent" avec les soldats et pendant ce temps les ados tirent encore, ils sont adroits dans leur lancés mais brouillent les intentions de leurs aînés.
International international
Les leaders décident de la fin de la "demostration". Nous redescendons. Arrivés au village, on nous interpelle pour venir manger dans un snack qui se remplit essentiellement le vendredi, j'imagine. Nous mangeons, un moment calme, le calme revient ......................

Crédit photo : Olivier Baudoin

Émilien et moi allons à Ramallah, sur le carrefour principal a lieu un rassemblement en mémoire à Vittorio Arrigoni, le pacifiste italien kidnappé et tué à Gaza, nous retrouvons des visages croisés à Bil'in et de nouveaux visages, tout le monde est abattu, Émilien et moi sommes mal à l'aise, nous rentrons, tristes............. j'ai fait une grosse connerie : j'ai vu quelques secondes de la vidéo mise en ligne par ces ravisseurs j'ai honte de l'avoir vu et suis choqué de voir une humiliation en direct.
Ce sont des chiens sans aucune pitié, on le voit les yeux bandés apeuré humilié affaibli par la haine à laquelle il fait face, j'ai honte pour ces criminels.
Ils se sont délestés de leur humanité ......................

Eugène Guillevic a écrit dans les années 40

Le métal est au centre et hurle sous la rouille 
Et sous la rouille encore il crie :


Qu'il faut aller, que c'est trop long, qu'il veut aller
Qu'il est poussé, qu'il n'a personne
Qu'il est métal


Et qu'il y a des fleurs 
Qui osent. 

Fred Munoz
 17/04/2011

4 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Unknown a dit…

sympa de découvrir votre blog

Anonyme a dit…

c''st émouvant de te sivre Fredo..;merci pour ce guillevic aussi..;bises lily

Anonyme a dit…

toujour ausi beaux tes comentairesje je les e lu et relu...