J’arrive de Bil’in, je viens d’assister à la manifestation hebdomadaire de protestation des Palestiniens contre le mur de séparation. J’ai vu les soldats tirer des bombes lacrymogènes sur une ambulance qui ramassait un blessé. J’ai encore l’odeur des gaz sur moi et le sel de la transpiration sur ma peau.
On est arrivé à Tel-Aviv en voiture avec des Israéliens. C’est leur première manif’. Lui est né « ici », elle est devenue Israélienne, elle est née aux USA. Ils sont sympas et se posent des questions.
Il travaille pour un laboratoire qui fabrique des microscopes, il me précise qu’il ne travaille pas pour l’armée, sinon il changerait de job. Sa femme fait des études en art et travaille au musée de Jérusalem, elle est en train d’organiser une exposition destinée uniquement à des artistes Palestiniens.
Je me demande ce qui se passerait en Israël si tout le monde faisait la même démarche.
Les Israéliens vivent dans une bulle assez simple. Ils sont chez eux, il y a un mur et une armée qui les protège des « terroristes » Palestiniens.
Mais tous ceux qui font la démarche de se poser plus de questions, sont mal à l’aise.
Comme je le suis actuellement.
Tel-Aviv, est très agréable.
Pour bien vivre ici il faut se placer « hors contexte ».
Effectivement un attentat est horrible. Encore plus, dans l’ambiance « cool » de cette ville. Mais c’est la guerre et à Tel Aviv on aimerait bien l’oublier. On fait tout pour.
Un mélange d’underground et de bourgeoisie. Plein de mecs et de nanas branchés qui sont militaires en dehors de leur vie civile.
Pourtant !
F16 & M16, contre attentats suicides. Occupation contre jets de pierres. Destruction de maison contre roquettes. Argent contre pauvreté.
En 2010, j’ai rencontré Omer, car je connaissais son travail et je voulais organiser une performance autour du mur. J’avais imaginé une rencontre virtuelle entre des danseurs de part et d’autre du mur.
J’étais venu en Palestine pour cela. Sîn avait les relations nécessaires du côté Palestinien, il fallait rencontrer des artistes du côté Israélien et Omer avait les qualités requises. Nous avons rencontré un homme jovial qui défend l’Art Politique. Nous ne sommes pas d’accord avec lui sur la situation, mais des points de rencontre se dessinent. Omer est humain et ouvert. Omer a également envie de « traverser » le mur, mais à distance, en streaming. Son traumatisme est important, il ne se sent pas capable d’approcher cet endroit.
Très vite mon avis change, je vois le travail de nombreux artistes internationaux sur le mur. Des pointures …. Ernest Pignon Ernest, JR … Mais quand on parle aux copains Palestiniens, ça leur plait pas. Le mur ce n’est pas un support artistique, c’est d’ailleurs un support à rien. Le mur doit disparaître, c’est tout. Petit à petit je ressens une gêne. J’ai l’impression que les internationaux ne communiquent qu’avec les internationaux. Ils oublient juste que ce n’est pas les Palestiniens qui ont construit ce mur. Est-il pensable de communiquer sur ce mur, de s’en servir de faire valoir personnel, en restant juste et respectueux à l’égard des Palestiniens ?
Avec Lisie, on retrouve Omer et Tal, Ils font partie de ceux qui s’interrogent. Avec sa femme ils ont déjà été vivre en Europe, maintenant ils vont partir au Canada. Avant de partir, ils organisent ensemble un événement à Jérusalem autour du mur de séparation. Des musiciens de part et d’autre du mur. Un trou virtuel dans le mur (http://wallsbetween.us/).
Je m’interroge sur l’opportunité de ce travail. J’en parle avec Omer. Mais Omer a souffert ici, il a été victime d’un attentat. Un Palestinien l’a serré dans ses bras, il a cru que c’était un geste amical, l’homme a explosé et Omer avec. Il a survécu. C’était fin 2000. Aujourd’hui il revient et pleure devant le mur. Plus de 10 ans pour surmonter le traumatisme et revenir à cet endroit. Je ne peux pas juger, je n’en ai pas le droit.
Les Palestiniens sont en train de crever à l’intérieur. Ils commencent à s’entretuer. C’est une aubaine pour Israël. Trop facile de justifier une intensification du contrôle par Tsahal. Ce siège géant va finir par faire disparaitre la Palestine par suffocation.
Je suis chez Larissa, elle part à Londres, ce n’est plus supportable cette situation.
Tal et Omer veulent aussi partir, ils ne veulent pas faire un enfant « ici ». Puis tant d’autres, en général des Israéliens qui prennent conscience de la situation.
Pour s’installer ici il suffit d’être juif.
Pour vivre ici heureux et rester, il faut être autiste.
Je rentre à Aïda Camp, de « l’autre côté ». Très vite des « You welcome » des sourires, des enfants.
Merde et merde et remerde !
Texte et photos Olivier Baudoin
17/04/2011
17/04/2011
1 commentaire:
Merci Olivier de ce témoignage et des photos. C'est vrai que l'autisme peut soulager parfois...
soulager oui mais pas guérir !
soulager, fermer les yeux,
regarder bien en face du soleil, pour ne plus voir que ombres et silhouettes.
Surtout pas de visages, pas les yeux qui racontent une histoire...
Eviter l'interaction pour respecter l'anonymat, on se sent moins proche du coup, donc moins responsable voire coupable.
Merci de lever le voile et de nous raconter des bouts de vie...Au moins peut -être, que comme ça le message passera ... c'est peut - être ça le rôle d'un artiste de nous donner à... voir, écouter, entendre sans performance.
Artistes ne transformez pas ce mur en art, laissez lui sa froideur, laissez vos yeux buter contre le béton, ne le transformez pas en symbole , n'en faite pas votre chevalet de l'espoir, laissez le comme un mur, un mur, bordel ! pour enfermer, pour laisser mourir... Pas reconnus, pas respectés ! Pas reconnus, ils peuvent crever !
Tiens, c'est la même histoire qu'un enfant : "un samedi matin, au fond du jardin, Nicolas prend une boite. Met des insectes dedans,met un peu d'herbe pour qu'ils se sentent bien... et puis secoue la boîte... et puis maman appelle , c'est l'heure du goûter..hum
Et Nicolas laisse tomber la boîte" il est quand même gentil Nicolas
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