Vous vous trouvez sur le blog tenu par la Compagnie Sîn lors de son séjour en Palestine au mois d'avril 2011. Depuis près de dix ans les artistes de Sîn sillonnent ce territoire pour façonner des échanges culturels et de nouvelles propositions artistiques.
L'an dernier vous avez pu les suivre sur le blog "outwallin".
Le projet a avancé et un spectacle dédié à l'espace public est en cours d'écriture.
Huit personnes participent à ce nouveau séjour.
Leurs objectifs : Regarder, Ecouter, Enregistrer, Collecter, Ecrire et proposer des ateliers de pratiques artistiques au Centre culturel Al Rowwad, dans le camp de réfugiés d'Aïda.
Ce blog est là pour vous permettre de suivre la Compagnie Sîn, jour après jour, pendant cette nouvelle pérégrination palestinienne.

samedi 23 avril

Crédit photo : Olivier Baudoin

Midi et début d’après midi 

Rendez vous avec Myriam (une belge installée en Palestine depuis quelques années) pour se rendre à un cours de cuisine Palestinien chez 2 mères d’enfants handicapés à Aida camp. Myriam arrive à 10h56 à la guest house accompagnés de 4 personnes que je prends dans un premier temps pour des anglais, dans un deuxième temps pour des belges et finalement pour ce qu’ils sont vraiment c'est-à-dire des françaises et un italien.
Islam et son amie Saloua nous accueille  avec la réserve et la gentillesse des femmes Palestiniennes. Myriam nous fait tout d’abord un point : son amie Sandra (absente) a crée ce concept de cuisine pour les mères d’enfants handicapés (une vingtaine d’enfants au total dans le camp) pour leur apporter un soutien matériel, modeste, fragile mais réel. Je la regarde un peu méfiant et je trouve chez certains de mes compères une complicité par un simple clin d’œil. Affaire à suivre… Tout le monde s’attelle à la cuisine…enfin nous nous calons sur le mode palestinien très rapidement. Les filles autour de la table en train de fourrer la pâte de blettes, viande et fromage… Mimil en action mais un peu ailleurs, Olivier dans son rôle de reporter-photographe, Andrea l’italien se révèle être aussi reporter-photographe et moi collé à l’enregistreur de Sîn captant l’ambiance sonore. Depuis quelques jours, j’ai découvert cet accessoire de main et j’en suis fou fou fou ! Je prends les ambiances, je me rêve en reporter, en Macha Béranger à écouter les gens et à enregistrer le vent. Une ombre mi-silencieuse qui aurait pour mission de restituer la parole du monde…ouais, ouais, ouais. Je me retrouve à parler (et à enregistrer, bien sûr) Madeleine à la voix intelligente et claire. Je découvre qu’elle vit avec Andrea, sont tous les deux reporters-photographes. Elle me fait un topo sur le statut des bédouins (les nomades Palestiniens) et leur relation à l’état d’Israël. Cela me passionne et Émilien nous rejoint dans la conversation. En gros, les bédouins sont la dernière couche de la société Palestinienne, ils n’ont pas vraiment de préoccupation politique, seraient utilisés par l’armée israélienne et ainsi seraient marginalisés de tous côtés. « Diviser pour mieux régner »  l’état d’Israël est décidément très fort pour semer le chaos…. Je m’essaie à la cuisine mais je tombe sur une pâte réticente à mes doigts pourtant si habiles et cela malgré l’aide de Marina.  
 Le salon est typique : tapis, coussins…modeste mais confortable, avec un rideau fleuri. Nous avons devant nous un festin comme je les aime : généreux mais simple. Une bouchée, un commentaire, une bouchée, un commentaire. Nous finissons par parler de la politique Française et bien sûr des élections présidentielles, chacun y va de ses prédictions cauchemardesques. Je découvre un point commun entre Myriam et ma mère : la manière de dire les u comme les ou… Je la vois comme une femme progressiste et indépendante qui soutient les femmes d’aida camp, elle est assez digne voire sèche mais chez elle on ne note aucune compassion, aucune pitié mal placée mais une réelle solidarité pour ces femmes. Islam et Saloua nous rejoignent après la pâtisserie \coffee arabique \thé à la menthe. Des deux femmes Islam est la plus jeune, la plus lumineuse et nous sommes chez elle. J’ai une vision très inspirée au niveau mode. Du fleuri sur du fleuri. Imprimé sur imprimé. Le hijab se marie très bien avec le rideau, réellement. Mais la réalité du réel nous rattrape et je perds en chemin mes aspirations de haute couture, peu importe… La lumière vient d’Islam à ce moment là et sa dignité est une leçon. C’est un point commun aux Palestiniens : lorsqu’ils nous témoignent de leur inhumain moment d’humiliation et de torture lors de la 2e Intifada (avant et après d’ailleurs aussi), leur récit est effroyable mais leur manière de raconter est pleine de dignité, ils sourient et ont pour souci que leur mémoire soit transmise dans le monde. Islam nous fait le récit de son cauchemar vécu : la torture et l’emprisonnement de son mari, la  violence sur son fils handicapé, la cruauté, la destruction sociale de sa famille, sa maison assiégée et dévastée et différentes anecdotes sur le camp et ses habitants, plus horribles les unes que les autres. Je bouffe ma langue, mes lèvres et je tourne la tête pour ne pas exploser en pleurs. Pas d’impudeur étrangement dans leur récit, le problème viendrait plutôt de nous les auditeurs, de quels questions nous posons, à quel moment, comment, de nos commentaires…mes moments de gène sont toujours venus de cela depuis mon arrivée en Palestine ; si obscénité il y a, elle me semble se produire à cet endroit là. Mais il est vrai que le dosage est sensible.

Début de soirée et soirée

« Zeitoun revient, putain fais pas chier… »
Nous avions décidé de nous rendre à la messe orthodoxe avec l’excitation d’assister au bouquet final : une transe. Dès le matin, les filles s’étaient maquillées et sorti leur chemisier ou robe secrète et moi j’avais trouvé, dans le fond de mon sac de voyage, un nœud papillon qui me donnait la superbe impression d’être un lord écossais déchu. Après avoir perdu  en chemin un compère et raté un taxi collectif, nous nous retrouvons déçus devant l’église chrétienne et catholique. Nous y rentrons un peu benêt avec le pressentiment que la soirée allait être plus morne que prévue. Nous nous  asseyons où nous pouvons et rapidement je me retrouve assis à côté d’un adolescent au duvet noir grâce auquel je pouvais évaluer son âge (13ans et demi). Il me regarde comme si j’étais un ovni avec le regard indescriptible que seuls ont les adolescents de cet âge là, un mélange de béatitude et de curiosité…et encore les mots ne sont pas suffisants. Après avoir imaginé que les gens allaient se jeter sur moi et jeter mon appareil au sol et ainsi augmenter mes dettes, j’essaie de me fondre dans cette foule par une attitude toute retenue. Mais je suis trahi par Emilie qui me demande un kleenex et qui me fait faire un bond de 5 mètres. J’essayais d’imaginer les liens qui unissent les gens entre eux et j’agis comme eux : me lève, m’assoies… Mes amis disparaissent, je reste car je suis un reporter dans l’âme et suis en voie de professionnalisation. On se serre les mains, je ne sais pas ce qui me prend mais je reste accroché à la main de l’adolescent, il est obligé de me signifier par le regard qu’une poignée de main suffit… les curés passent, l’encens embaument l’église, je remarque qu’un homme rentre et sort, il a l’air très important. A chaque sortie, des adolescents le suivent et mon ado duvet a l’air de lui vouer une admiration extrême. Les gens embrassent un tableau porté par les curés, on nous asperge d’eau, je souris bêtement à un curé qui me dévoile en retour un sourire carnassier, là je repense à ce faux débat : si les curés doivent se marier ou pas. Je pense à mes amis qui m’attendent dans le froid mais je suis tintin et personne ne me détournera de ma mission.
La messe se finit enfin : 1h20 quand même mais une sorte de fanfare improbable avec des cornemuses ( ! ) se met à résonner devant l’église. Durant une demi-heure, cette anarchique fanfare composée de jeunes amazones aux caisses claires, un beau et lumineux jeune homme au tambour et « ma » personne importante qui étaient en fait leur prof nous égaye ce moment car nous étions en manque de musique « live ». Je retrouve mon ado duvet   avec sa sœur que l’on prénommera duvette, je leur jette un regard noir car ils se foutent ouvertement de ma gueule ou peut être est ce de mon nœud pap ? 
  Tout se finit très vite et nous nouds rendons au « taboo » pour en vrac manger des pizzas dégueux, rencontrer un serveur palestinien parlant espagnol, écouter de la daube super forte et découvrir les cagoles version palestinienne et tout ça pour une note un peu trop salée. 
Mais sur le retour, nous avons le privilège de découvrir les chauves souris palestinienne, faut les imaginer faisant le double des nôtres et grisâtres, là je me rends compte que ma peur secrète de ces bestioles est un bon leitmotiv pour grimper le mont jusqu’à Aida camp…
Fred munoz
25\04\11



5 commentaires:

Unknown a dit…

j'adore te lire mon Fred, j'ai l'impression de t'entendre...

Unknown a dit…

Bravo Tintin ! Belle mission, bien racontée !!

Anonyme a dit…

Sev a raison...on t entends! Je comprends ton plaisir avec l enregistreur, je m étais régaler avec mon mini disque ! Lily

delphine a dit…

j'aime bien tes commentaires il me donne la sensation d'être là-bas à coté de cet adolescent au duvet noir, au milieu de la cacophonie de la fanfare ou les doigts dans la cuisine. J'ai eu déjà cette sensation avec ton texte sur la manif. J'avais mon cœur qui s'accélérait au rythme des mots.

Anonyme a dit…

je bien aime lire tes commentaires et je decouvert avec bonheur ta facette secrette de "raporteur, on se decoubre toujour; Avec un grand coeur y un peu de doigtée on peu arriver à fair decoubrir aux autres la triste realitée que pour quelque jours on à partages, mais aussi la baute intemporel des ces femmes palestiniennes a la elegance resigne et sereine. toute une leçon pour nous